Malgré une propagande assez massive, très peu d’artistes ont, au final, suivit leurs maisons de disque dans la guerre que ceux-ci même à leurs fans à travers la loi Hadopi. C’est une chance, on voit mal aujourd’hui comment des artistes comme Bénabar, Thomas Dutronc ou Maxime Le Forestier pourront demain justifier la surveillance du courrier électronique pour la seule sauvegarde de leur portefeuille. La plupart des artistes se sont contentés d’observer la bataille en prenant garde à ne pas prendre parti publiquement, sentant probablement que le navire sur lequel ils étaient embarqués avait, de toutes évidence, touché un iceberg depuis longtemps, et qu’il est toujours prudent de se réserver une place dans un canoë de sauvetage.
L’arrivée du marketing direct pour les artistes
Des artistes qui vendent directement à leurs fans, cela n’a rien de particulièrement nouveau, on en trouve des exemples depuis que l’enregistrement sonore existe. La plupart vendent leurs albums lors de concerts, que ceux ci soient donnés dans de grandes salles ou dans le métro. Pour les débutants, c’est la seule voie possible pour distribuer de la musique enregistrée : sans label, pas moyen de faire autrement.
Les technologies permettent désormais d’aller beaucoup plus loin. Les ventes réalisées directement par les artistes sont en hausse, et les choses ne semblent bien parties pour ce nouveau marketing de la musique, qui promet de trouver sa place aux cotés des modèles traditionnels, mis en place par les labels et les maisons de disque ces quarante dernières années. De plus en plus d’artistes émergents ne voient plus dans les labels la voie royale vers le succès, et des artistes établis hésitent désormais à renouveler leur contrats aussi facilement qu’autrefois. L’ensemble des ces facteurs contribuent à l’essor des modèles ‘Direct to Fan’.
Comme dans tout nouveau modèle marketing, ce sont toujours les mêmes exemples qui font surface. Radiohead et son album ‘In Rainbows’, sorti en 2007, est le modèle cité par tous – et pour cause : les innovations marketing ne manquent pas. Prix décidé par l’acheteur, absence de tout intermédiaires, transactions et téléchargements pris en charge directement par Radiohead, l’expérience a sonné comme un coup de tonnerre, donnant immédiatement naissance à un contre feu, de la part des labels et des maisons de disques, destiné à minimiser l’impact du coup d’état de Radiohead sur l’industrie du disque, affirmant que ce type d’expérience était réservé à quelques stars, mais que les musiciens moins célèbres ne pourraient jamais appliquer ce type de marketing.
Manque de chance, deux années plus tard, quand Metric, un groupe plutôt inconnu, lance en avril 2008 son album “Fantasies” sur internet, il rencontre un succès qui lui permet d’encaisser en quelques semaines des revenus supérieurs à ce que le groupe avait gagné durant les quatre précédentes années.
Avec une combinaison de contenus gratuits en échange d’un simple email, de widgets permettant de faire le streaming de l’album sur les blog et les réseaux sociaux, la stratégie de distribution axée sur le web 2.0 de Metric lui a permit de garder pleinement le contrôle de son marketing. Le groupe à également pensé aux fans qui préféraient acheter leurs tracks de façon plus traditionnelle, en commercialisant lui même son album sur iTunes.
Autre artiste, autre stratégie, Josh Fresse, connu des batteurs pour faire parti des meilleurs de sa génération mais relativement inconnu du grand public, a lui mis au point une stratégie qui boulverse tous les codes du marketing musical en proposant à la vente une multitude d’offres, allant de la vente de son dernier album pour 7$ à des lots plus ou moins fantasques dont beaucoup incluent une rencontre et une véritable expérience avec le musicien, comme des cours particuliers ou une semaine de vacances ‘rock’ incluant d’autres rencontres avec, par exemple, un chanteur ami du batteurs, Maynard James Keenan, ainsi que des loisirs comme un tournoi de mini golf, le tout pour 20.000$. On est loin du marketing des maisons de disque.
Une chose apparaît dès maintenant de façon claire, les offres marketing seront spécifiques à chaque artistes, et contrairement à ce que l’industrie du disque à mis en place ces 40 dernières années, le marketing ne pourra pas s’industrialiser. Il devra se composer au cas par cas, et pour cela, une palette d’outils sont à la disposition des artistes et de leurs marqueteurs.
Les outils
Les plus grosses difficultés auxquelles les artistes avaient à faire face jusqu’ici était la distribution, la gestion des transactions financières et la gestion de la relation clientèle. Certains distributeurs proposent depuis déjà plusieurs années des solution, comme Amazon et son Programme Avantage, qui pour 30$ par an et 55% des recettes prend ces problèmes en charge. Reste 45% des ventes pour l’artiste : cela peut paraître peu, mais par rapport à un contrat classique avec une maison de disque, c’est énorme (notez au passage qu’une maison de disque offre beaucoup plus).
Mais le coût à l’entrée pour les artistes désireux de se ancer dans le D2F ne cesse de s’abaisser, comme c’est souvent le cas avec les offres technologiques. Les transactions électroniques ne coutent plus aussi cher qu’auparavant, et les composant nécessaires pour la distribution et le reste du marketing permettent de composer une offre sans avoir à maîtriser de technologie avancée. C’est désormais techniquement à la porté d’un webmaster capable de construire un simple site.
Des sociétés comme Snocap et Topspin rendent la distribution et la vente facile d’accès, d’autres comme Reverb Nation et Nimbit offrent des outils permettant de mettre en place une offre marketing complète. Widgets, solutions de paiement, CRM, upload de pistes, gestion d’offres marketing pour les ventes, les outils ne manquent pas, et leur prix est plutôt raisonnable, permettant à tout artiste qui souhaite y investir les gains de quelques concerts de s’offrir un site complet susceptible de gérer l’intégralité de son œuvre et de la marketer. D’autres sociétés comme l’aggrégateur TuneCore (aggrégateur au sens de distribution musical, pas au sens où on l’entend habituellement dans le web 2.0) permettent aux créateurs de distribuer leurs œuvre directement sur iTunes, sans passer par une maison de disque.
Des professionnels du marketing au service des artistes (et non l’inverse)
Cette nouvelle façon de faire du business dans la musique est certes embryonnaire, mais elle a toutes les chances de se faire une place au soleil dans les années à venir. De nombreux blogs et professionels s’y consacrent, on y trouve des spécialistes du marketing comme Jason Feinberg qui m’a inspiré ce billet, et dont la société, On Target Media, fourni des services marketing aux artistes, tout comme Bobby Borg, qui est sur le même créneau, des as d’Excel qui offrent leurs fichiers prêt à l’emploi pour servir de tableau de bord financiers aux artistes apprentis marqueteurs… Le web social fourmilles de sites destinés à aider les artistes qui souhaitents prendre en main eux même leur carrière.
Peu de chances toutefois de voir cette approche du business de la musique remplacer ce que les labels et les maisons de disques offrent aux artistes aujourd’hui, mais ce nouveau marketing promet tout de même de leur prendre quelques parts de marché. Les artistes qui refusent catégoriquement de prendre en charge leur marketing, eux, n’ont pour l’instant pas d’autre choix que de tenter, par tous les moyens, de signer un contrat avec un label. Les autres ont des alternatives qu’ils peuvent saisir dès à présent, en attendant de signer un contrat, ou pour le reste de leur carrière.
source: Ecrit par Fabrice Epelboin sur readwriteweb.com
Merci pour cet article vraiment intéressant!