3 mars 2013, 7 h 30, je me réveille sur le tube du moment, une reprise électro-d’ascenseurs de « Quelqu’un m’a dit ».
Je me lève et je te bouscule, tu ne te réveilles pas et c’est normal.
La veille avec quelques amis de confiance nous avons noyé le quotidien dans des alcools frelatés et des clopes de contrebande achetées à prix d’or. Et comme pour narguer l’univers, nous fumions à la fenêtre, histoire de montrer aux voisins notre rebelle attitude.
Ceux-ci, en effet et conformément aux derniers articles de loi sur la répression du tabagisme et l’inscription de la nicotine dans le tableau des drogues dures, préfèrent filer droit.
Je vide vite fait trois tasses d’ersatz de café de la marque « la France qui se lève tôt ». On ne trouve plus de vrai café que dans les conseils d’administration des grands groupes financiers, à l’Élysée et dans le ministère de l’identité nationale, créée aux toutes premières heures de la réélection du président élu à vie (première réforme) Sarkozy. Ministère qui regroupe par ordre d’importance : le ministère de l’intérieur, des cultes, de l’immigration, le tout chapeauté par un super ministre, Guéant. L’éducation est aux ordres du ministère des cultes. Les finances ont été privatisées, Goldman Sachs est l’actionnaire majoritaire. La culture est aux mains d’Universal. La santé est gérée par Sanofi adventis. La défense dépend de Dassaut. Total et Areva s’occupe de l’écologie.
Ce café est franchement dégueulasse, mais complémenté massivement de caféine de synthèse étudiée pour la France qui travaille plus.
Dehors la température est déjà aux alentours des 30 °C. Je m’habille rapidement avec ce qui me tombe sous la main et sors dans l’espoir de trouver un dealer de croissant. Je sais bien que leurs produits sont à moitié coupés de sciure, mais les vrais, depuis la dégradation du AAA, la sortie de l’euro et la poussée de fièvre jaune de l’inflation, sont tellement chers qu’il faut payer l’ISF (supprimé dans le paquet fiscal de la troisième réforme qui exonère d’impôts toute personne ayant un revenu supérieur à 150000 euros par an) pour s’en offrir un.
Je vais pour traverser la rue quand une voix m’interpelle :
« — Eh !! Vous, l’homme avec le short rouge et le tee-shirt vert, vous traversez en dehors des clous. »
Merde, les caméras de surveillance… Qu’est-ce que je fais ? Je me tire en vitesse ou pas…
« — Halte, arrêtez-vous, l’homme chauve dont le numéro d’identité est : P. S. L. 28096942 3014. »
Putain, plus possible de faire trois pas sans être fliqué ou abreuvé de pubs à la con soi-disant personnalisées à cause de cette foutue puce greffée au poignet. La pose en est obligatoire depuis juillet 2012, un des décrets de la réforme « sécurité pour tous » et tout ça, paraît-il pour mieux contrôler le flux d’immigration clandestine.
« — Restez où vous êtes ! Une patrouille va vous contrôler dans 16 secondes à partir du premier bip sonore. BIP ! ! ! »
Ça se voit que la nouvelle milipolice est payée au rendement, elle arrive même avec une seconde d’avance… Les quatre flics harnachés comme des chars d’assaut m’encerclent.
« — Allonge-toi par terre ! Plus vite ! Magne-toi ! ! »
Comme je ne réagis pas assez vite, je me ramasse une décharge de teaser, la vache, ça secoue. Les quelques passants, des oisifs sans doute, trouvent assez vite d’autres préoccupations vitales à faire de toute urgence. Peut-être n’ont-ils pas tellement envie de se faire embarquer pour résistance passive et soutien du regard à un forcené malmenant les forces de la milipolice agissant dans son bon droit.
Menotté, cagoulé et complètement déphasé par les 30 000 volts qui ont pris mon corps pour un câble haute tension, on m’emmène au centre de rétention 4809 217.
Depuis la fermeture des tribunaux, le ministère de l’identité nationale a ouvert des centres de garde à vue. En moins d’une après-midi, on vous pointe, vous interroge, vous juge, vous condamne et vous envoie en gare de triage pour être dirigé vers le lieu d’affectation de votre peine ; 48 c’est pour le département, 09 pour l’année d’ouverture, 217 pour le nombre de centres dans le département.
Sur place, on me fait mettre à poil pour une fouille corporelle très poussée… Mon cul s’en souvient encore. En plus de mes empreintes, de mon ADN, de mes caractéristiques physiques en leur possession depuis la loi sur la sécurité intérieure contre la délinquance, ils me prélèvent du sang et photographie mon iris.
Ces traitements effectués, un gardlice me refile une chemise me laissant les fesses à l’air. Comme dans les hôpitaux lorsqu’ils étaient encore public. Il paraît que fringué comme ça, on a beaucoup moins envie de jouer au con. Finalement, il m’enferme dans un local où se trouve déjà une cinquantaine d’autres personnes dans la même tenue.
Toutes les dix minutes, une voix métallique et monocorde crache dans un haut parleur pourri un numéro d’identité. L’interpellé se place devant la porte vitrée d’un sas, y entre, une autre porte, en bon blindage celle-là, s’ouvre quand la première se ferme, et le gus disparaît de notre vue.
Pendant l’attente, hébété nous regardons défiler des propagandes sur des écrans protégés par des vitres blindées. Ces spots tantôt dédiés à la gloire de notre président et de son action, nous vante aussi les bienfaits des peines planchers. Des avantages qu’il y a à être croyant et pratiquer une des trois religions d’État, christianisme, islamisme et scientologisme pour améliorer ses conditions de rétention. Ou même si l’on est un scientologiue assidu, de bénéficier d’une remise de peine, plus connue sous le nom Cruise-réduction.
« — Nº P. S. L. 28096942 3014, avancez vers le sas. »
J’obtempère, la porte s’ouvre, puis dans un chuintement se referme derrière moi. Je n’en mène pas large à vrai dire. La porte blindée s’ouvre. Un gardlice me fait signe d’avancer et de m’asseoir sur une espèce de chaise métallique avec des menottes sur les accoudoirs et les pieds de devant. La chaise n’a pas eu le temps de refroidir depuis la dernière paire de fesses.
Une fois attaché, un écran plat dernière génération, s’allume à environ 1,50 m devant moi. Un type avec une tête de premier de la classe, dans la matière « faux cul qui a un compte à régler avec l’humanité, mais a fait une thérapie de groupe avec des anciens d’Al-Quaïda » me fait la liste de mes infractions :
« — Nº P. S. L. 28096942 3014, vous êtes accusés des faits suivants :
— traverser la route en dehors des clous réservés à cet effet en violation de l’article D. 12417 de la loi Guéant-Besson-Hortefeux.
— refus d’obtempérer à la première interjection du réseau de surveillance “tranquillité pour tous” en violation de l’article R. 362247 de la loi Guéant-Besson-Hortefeux.
— intention de délit de fuite en violation de la loi I. 22467 de la loi Guéant-Besson-Hortefeux.
— résistance à l’interpellation en violation de la loi R. 467268 de la loi Guéant-Besson-Hortefeux.
— consommation de substances illicites, du tabac dont les traces de nicotine ont été retrouvées dans votre sang. Substances inscrites au tableau des drogues dures dont l’usage est condamné par la loi C. 196234 de la loi Guéant-Besson-Hortefeux. »
«— De plus, nº P. S. L. 240366423014 en vertu de la rétroactivité des sanctions pénales jusqu’aux cinquante dernières années passées, vous êtes accusé des faits suivants :
— conduite dangereuse de véhicule ayant entraîné un contrôle radar à 97 km/h au lieu de 90 km/h le 3 septembre 2000.
— atteinte subversive à la sûreté de l’Etat pour les faits suivants :
— écriture article d’opinion antigouvernementale
— écriture et composition de chansons antilibérales
— propagation et gestion d’un réseau ayant pour but de l’apologie du libre et du gratuit au travers une association de loi 1901, aujourd’hui prohibé pour cause de désordre public, nommé « AiMSA, no sacem Inside »
«— Vous pouvez, nº P. S. L. 28096942 3014, contester ces faits et demander l’assistance d’un avocat. Vous pouvez réclamer un jugement devant un tribunal pénal pour un forfait judiciaire de : 500 euros pour l’ouverture du dossier, 1000 euros pour l’inscription de votre demande auprès du tribunal dont vous dépendez et de 12 467 euros d’acompte pour l’avocat commis d’office. Les frais de déplacement vers le tribunal seront à votre charge. Veuillez énoncer haut et clair votre décision.
— Euh… Combien vous dites ?
— Veuillez seulement répondre par oui ou non !
— Ben… Non.
— Nous prenons acte de votre réponse, nº P. S. L. 28096942 3014. »
« — Êtes-vous détenteur d’un certificat de croyances et de pratiques de l’une des trois religions d’État, le christianisme, l’islam ou la scientologie ?
— Non, je suis athée.
— Alors nº P. S. L. 28096942 3014, en vertu des pouvoirs conférés par la loi Guéant-Besson-Hortefeux, au vu de vos actions passées présentent et en prévision de vos actions futures de transgression des lois Guéant-Besson-Hortefeux, ainsi que pour vos réponses aux questions d’usages dans lesquels vous reconnaissez être insoumis à la morale, car athée en opposition à la loi Boutin-Hortefeux, « Un homme, un dieu », je vous condamne à la peine plancher de dix ans d’enfermement dans les ateliers d’Etat de Marne-La-Vallée où vous fabriquerez des costumes pour Disney conformément aux accords commerciaux liant l’Etat français et cette entreprise. Cette peine sera suivie d’une peine préventive d’un minimum de cinq ans renouvelable. »
hahaha la politique c’est marrant avant d’être sérieux !
Excellent article!
La limite entre les 2 n’est pas loin lol
Fiction ou réalité?
Laure.
Héhéhéhé bien trouvé… (mais ca fait froid dans le dos, ca pourrait arriver..!)
Excellent! Pourvu que la réalité ne rejoigne pas la fiction
C’est encore une fiction, mais pour combien de temps ?
ha ! ha ! ha ! que c’est bon la campagne .
JE RESPIRE !
Allez encore 3 ou 4 ans…
Je mets sur ma page…
Cc